L’Association française des juristes démocrates (AFJD)
À la Libération, un groupe de juristes issus de la Résistance – René Cassin, Joë Nordmann, Léo Matarasso ou Pierre Cot – et animés par la volonté de mener un combat progressiste dans le domaine du droit, en faveur de la démocratie et des droits de l’homme, créent l’Association internationale des juristes démocrates (AIJD), dont est issue l’Association française des juristes démocrates (AFJD).
René Cassin est le fondateur de l’AIJD et son premier président. Regroupant des juristes de toutes les parties du monde et de tous horizons professionnels, l’association est un lieu de combats anti-colonial, d’opposition à la guerre du Vietnam ou aux dictatures d’Amérique latine, de Grèce et du Portugal.
Arnaud Lyon-Caen devint le vice-président de l’AFJD dans les années 1990, lorsqu’elle se détacha de l’AIJD, et le resta jusqu’à sa mort en 2011. Il en fut le représentant à la Commission nationale consultative des droits de l’homme jusqu’en 2009. L’AFJD a également participé à plusieurs sous-commissions de la CNCDH, s’impliquant dans les questions internationales, de droit humanitaire et la lutte contre le racisme.
L’association a notamment rédigé une note concernant les questions du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, lors de l’examen du 3e rapport périodique du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’AFJD est aujourd’hui membre de l’Association européenne des juristes pour la démocratie et les droits de l’homme dans le monde. Elle est présidée par Isabelle Réghi, magistrate honoraire.
L’association a pour objet de réunir les juristes et praticiens du droit (avocats, magistrats, enseignants-chercheurs, juristes) qui se proposent d’oeuvrer à la défense et au développement des libertés publiques et individuelles, à la réalisation d’une justice démocratique, au respect des droits de l’homme, notamment à la lutte contre le racisme, tant au plan national qu’international.
Elle s’est manifestée, tout au long de son histoire, par des actions concrètes sur les problèmes juridiques
nationaux et internationaux : participation à la Commission nationale consultative des droits de l'homme jusqu’en 2009; participation à des missions internationales (en Palestine, en Guyane, en Turquie…) ; participation à des comités luttant pour les libertés et les droits ; organisation de groupes de travail d’approfondissement des problèmes juridiques, de journées d’étude et de colloques. Elle s'est notamment préoccupée de la question de la régulation du nouvel espace européen et des dangers qu’elle fait peser sur les droits, à l’occasion d’un contrôle renforcé des populations et d’une restriction des politiques d'immigration et d’asile.
L'organisation de tables rondes a permis d'évoquer une variété de thèmes touchant à l'évolution de l'Etat de droit dans notre société et dans l'Union européenne, de celle du Conseil constitutionnel en Cour constitutionnelle, après l'introduction de la question prioritaire de constitutionalité, touchant également à l'introduction de l'état d'urgence dans le droit commun, ou, plus récemment, au projet de Cour constitutionnelle mondiale et de Cour mondiale des droits de l'homme.
Si, aujourd’hui, l’action de l’AFJD reste limitée, la voix particulière qu’elle fait entendre, issue des échanges fructueux des juristes de tous horizons qu’elle rassemble, portant sur toutes les questions juridiques, sans aucune spécialisation, ouvrant à un regard d’ensemble sur la machine juridique et ses effets sociaux, paraît d’autant plus nécessaire que se révèle aujourd’hui la fragilité des luttes pour la démocratie et les droits dans le monde actuel.
LES MEMBRES
René Cassin (1887-1976). Membre du gouvernement de la France libre pendant la seconde Guerre mondiale, représentant de la France aux Nations Unies, il fut l’un des auteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948. Vice-président du Conseil d’État de 1944 à 1959, membre du Conseil constitutionnel, vice-président de la Cour européenne des droits de l'homme de 1965 à 1968, il reçut le prix Nobel de la paix en 1968 et le prix des droits de l'homme des Nations Unies. Fondateur de l'Institut libre d'étude des relations internationales (Ileri) et de l'Institut Français des Sciences Administratives (IFSA) aujourd'hui association reconnue d'utilité publique, il présida la Commission consultative pour la codification du droit international et la définition des droits et devoirs des États et des droits de l’Homme, qui deviendra par la suite la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Il fut le premier président de l’Association internationale des juristes démocrates.
Joë Nordmann (1910-2005). Avocat, membre du Parti communiste français et de l'Association juridique internationale (AJI), il est radié du barreau de Paris en 1942 parce que juif. Fondateur du Front national judiciaire, organisation de résistance du Palais de Justice de Paris, il entre, à la Libération, au ministère de la Justice et assiste le parquet français au tribunal militaire de Nuremberg lors du procès des hauts dignitaires nazis : « J’étais assis sur les bancs de l’accusation, face à Göring et aux autres grands criminels de guerre nazis. C’est ainsi que je me suis préoccupé de la notion de crimes contre l’humanité et que j’ai mené campagne, des années plus tard, pour que cette notion entre dans le droit français ». C’est ainsi qu’il joue un rôle de premier plan dans les procès Touvier, Barbie et Papon. Il est le fondateur, avec René Cassin, de l’Association internationale des juristes démocrates.
Pierre Cot (1895-1977). Député de Savoie sous l'étiquette radicale, devient ministre de l’air dans le gouvernement Daladier et crée la compagnie nationale Air France. Membre du comité d'honneur de l'Association juridique internationale, il fut le fondateur, en 1936, du Rassemblement universel pour la paix et l'un des rares hommes politiques hostiles aux accords de Munich. Après avoir été déchu de la nationalité française par le régime de Vichy, il fit partie de l’Assemblée consultative provisoire au titre de parlementaire. Devenu un compagnon de route du Parti communiste après la guerre, membre du bureau directeur du Mouvement de la paix, où il milita pour un « neutralisme actif » dans le contexte de guerre froide, il fut président de l’AIJD.
Léo Matarasso (1910-1998). Juriste au service des droits humains et des droits des peuples, il fut l’un des membres fondateurs du Tribunal Permanent des Peuples, dans le but de prolonger l’œuvre accomplie par le Tribunal Russel contre les crimes de guerre au Vietnam. Il fut le premier président de la Ligue Internationale pour les Droits et la Libération des Peuples (LIDLP). Avocat d’Henri Alleg, après lui avoir suggéré de raconter les tortures qu’il avait subies, il aida à la publication de La Question. Il fut aussi présent dans la défense des droits économiques, sociaux et culturels et fut membre de l’AIJD.
Arnaud Lyon-Caen (1930-2011). Avocat aux Conseils, doyen de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, homme de droit, défenseur acharné des droits, il a défendu de nombreuses causes : droits des travailleurs touchés par l'amiante, droits des syndicalistes, des minorités, des victimes des crimes contre l'humanité. Il a été membre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme au nom de l'AFJD de 1999 à 2009. Il était le vice-président de l'AFJD.
Monique Chemillier-Gendreau. Juriste, agrégée de droit public et de science politique, elle a enseigné à l’Université de Reims. Professeur émérite de droit public et de sciences politiques à l'Université Paris VII - Diderot, elle a une pratique importante du droit auprès des juridictions internationales et plaide notamment devant la Cour internationale de justice de l'ONU à La Haye. Membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine, présidé par l'ambassadrice de l'autorité palestinienne en Europe, Leila Shahid, elle est également membre du Tribunal Permanent des Peuples et consultante auprès de l’Unesco. Elle a grandement contribué à l'encadrement juridique du mouvement des sans papiers en France. Elle fut présidente de l’AFJD.
Francine Demichel. Agrégée de droit public, professeure émérite des Universités en Droit public à l'Université de Paris VIII, elle a enseigné successivement à l'Université de Besançon, à l'Université de Lyon et à l’Université de Paris VIII, dont elle est devenue la présidente. Entrée au Cabinet du Ministre de l’éducation nationale, Claude Allègre, elle a ensuite été directrice de l'enseignement supérieur au Ministère de l'éducation nationale. Très impliquée dans la cause féministe, elle s’est attachée à défendre la place des femmes en science et à l'université. Membre de l’Association française du droit de la santé, présidente de la Fondation de l'Université de Corse Pascal-Paoli, elle fut présidente de l’AFJD.
Didier Seban. Avocat, ancien président de l'UNEF, il a été avocat des parties civiles dans le procès Touvier et de la ville de Villeneuve d'Ascq contre Jean-Marie Le Pen, condamné pour contestation de crimes contre l'humanité. Avocat du MRAP, il a également été avocat des parties civiles dans les affaires Fourniret, Emile Louis et Estelle Mouzin ou avocat de la défense dans le procès du gang des barbares. Il a été président de l'AJFD jusqu'en 2015.
Isabelle Réghi. Agrégée de lettres modernes, magistrate honoraire, après avoir été conseillère à la Cour d'appel de Paris et déléguée régionale du Syndicat de la Magistrature. Elle a participé aux travaux de la Commission nationale consultative des droits de l'homme au nom de l'AFJD. Elle a été secrétaire générale de l'association avant d'en devenir la présidente en mars 2015.
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